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Entre 1200 et 1300 se produit une nouvelle
rencontre entre la révélation évangélique et la rationalité purement
philosophique. Des chrétiens, après plusieurs siècles d'isolement, redécouvrent
une philosophie vraiment indépendante de la révélation évangélique puisqu'elle
est antérieure : la philosophie d'Aristote. Cette rencontre se fait :
I - Grâce aux philosophes arabes
II - Dans le cadre des universités,
III - Avec trois réactions des autorités.
Cette rencontre provoque un renouveau dans l'"Histoire de le Pensée" et il faut
retenir au moins les noms de sept philosophes importants.
I. CONTRIBUTION DES PHILOSOPHES ARABES ET JUIFS
Même si quelques textes d'Aristote étaient connus en Europe, l'essentiel de son
œuvre, interdite par JUSTINIEN en 529, avait été recopiée à l'EST de l'Empire et
traduit en syriaque. A l'occasion de l'expansion de l'Islam, ces textes sont
traduits par les arabes qui les apportent en Espagne d'où ils parviendront
en France.
Comme les chrétiens le feront ensuite, les musulmans réagissent de diverses
façon au choc de leur foi avec la philosophie d'Aristote (voir
PC Chap. 3)
Certains essaient de pénétrer le contenu de leur foi en utilisant le vocabulaire
philosophique. D'autres considèrent la philosophie comme une forme
supérieure de la connaissance, réservée aux intellectuels.
D'autres encore, rejettent la philosophie et provoque son émigration en
Espagne...
Trois noms au moins méritent d'être mentionnés.
ALFARABI d'origine perse (870-1036)
"Les être se divisent en êtres contingents et en êtres nécessaires. Les premiers
ont une cause, les seconds sont sans cause". Il faut remarquer qu'Alfarabi fait
de l'existence un "accident".
AVICENNE (IBN SINA), (985-1036)
Médecin et pas seulement philosophe, il pense que l'Être Nécessaire cause
nécessairement : d'abord la première Intelligence, puis les sphères et ainsi de
suite...
AVERROÈS (IBN ROCHD) (1126-1198)
Les auteurs chrétiens médiévaux l'appelle "Le Commentateur" (sous entendu
d'Aristote). D'après lui, le sens philosophique du texte du Coran est le sens
"supérieur".
Il considère Aristote (dont il faut restituer le texte exact) comme "La Vérité"
Suprême". Avec lui commence une tradition de vénération presque religieuse
envers Aristote y compris dans le domaine scientifique. C'est contre cette
autorité d'Aristote que la science naissante va devoir lutter plus que contre
les théologiens (PC7intro).
Désormais il y aura la tradition averroïste comportant trois caractéristiques :
- Le rationalisme et le rejet de
toute révélation (caché dernière le thème des deux vérités)
- La création est éternelle et
nécessaire et non pas libre
- Il y a une intelligence (un
intellect actif) commune et unique pour tous les hommes.
(Biographie
- Aristote, traduit, commenté et transmis par les Arabes - BNF)
En symbiose avec des philosophes arabes, il y a les philosophes juifs, Isaac
ISRAËLI (865-955), GABIROL-AVICEBRON (1021-1050) et MAÏMONIDE de CORDOUE
(1135-1204)
II. LIEU DE LA RENCONTRE, LES UNIVERSITÉ
Des professeurs célèbre comme Abélard (PC5)
attirent des étudiants de tous les pays. Les rois et le pape préfèrent contrôler
et organiser tout ce monde d'étudiants et de professeurs en donnant des statuts
à partir de 1215 à diverses universités comme à Bologne, Paris et Oxford. Cette
innovation donne une certaine indépendance au monde étudiant mais entame la
séparation des études et de la vie concrète non seulement pour la philosophie,
mais aussi pour la théologie.
- La théologie était pastorale
(50-800) lorsque les théologiens étaient évêques
- Elle a été monastique lorsque les
théologiens étaient des moines (800-1200)
- Elle va devenir universitaire,
scolaire, intellectualiste avec le risque d'être rationaliste ou répétitive.
III. TROIS RÉACTIONS FACE À ARISTOTE
Bientôt ce sont les oeuvres d'Aristote lui-même (que l'on a retrouvées en Grèce)
qui sont traduites par des spécialistes : Guillaume de Mœrbeke, Amaury de
Chartres et David de Dinant. On trouve des mélanges de toutes les doctrines de
l'antiquité. Les autorités ecclésiastiques qui contrôlent les Universités
réagissent. Mais en un siècle, ce qui était défendu devient obligatoire...
- En 1215 : interdiction des
livres métaphysiques d'Aristote.
En 1228, Grégoire IX
demande d'enseigner "une théologie privée de toute science du siècle sans
mélange de fictions philosophiques".
- En 1231 : une commission va
séparer dans Aristote : le vrai et le faux !!!
- En 1366 : Aristote est devenu
obligatoire pour les candidats à la licence !!!
Pendant des siècles
encore, des autorités vont essayer d'interdire la lecture de certains auteurs au
lieu d'en montrer la part de vérité et les
limites !
IV. BONAVENTURE ( 1217-1274)
Nous devons donner au moins sept noms en commençant par celui qui
deviendra le supérieur général des Franciscains mais qui avait été professeur en
même temps que Thomas d'Aquin.
Son vrai nom : Jean de Fidenza. Son vrai mérite ne se trouve pas dans ses idées
philosophiques mais dans la synthèse SPIRITUELLE qu'il donne dans son
"Itinéraire de l'âme en route vers Dieu" et qui peut nous aider dans notre
recherche de vrai bonheur.
"En cette traversée il importe de laisser là toute spéculation intellectuelle.
Toute la pointe du DÉSIR doit être transportée en Dieu"...
"Interroge ton ASPIRATION profonde, non ton intelligence, le gémissement de ta
prière, et non ta passion pour la lecture, interroge l'ÉPOUX et non le
professeur, DIEU et non pas l'homme. (15 juillet)
"Debout, toi qui es aimé par le Christ... Accours, animé d'un brûlant DÉSIR..."
"Le SIMPLE FIDÈLE QUI CROÎT est plus certain que le philosophe qui sait".
V. ROGER BACON (1212-1292)
(A ne pas confondre avec Francis Bacon 1561-1636) (voir
TPchap2)
Franciscain d'Oxford qui passe les deux dernières années de sa vie en prison à
cause de "quelques nouveautés suspectes". A Oxford, on continuait à étudier les
mathématiques, les sciences, les langues dont le grec. Déjà à cette époque, les
Anglais apparaissent comme plus PRAGMATIQUES. Cette tendance va les aider à
faire davantage confiance aux expériences concrètes et moins aux constructions
d'idées. Leurs contributions seront importantes en sciences, en politiques et en
économie.
En épistémologie, ils auront tendance à limiter la connaissance à la
connaissance sensible.
Roger Bacon se moque d'Albert le Grand qui ne connaît pas le grec et de Thomas
d'Aquin qui, d'après lui "n'a pas étudié". !!!
VI. ALBERT LE GRAND (1193-1280)
LE PHILOSOPHE CHARNIÈRE QUI DISTINGUE CLAIREMENT PHILOSOPHIE ET THÉOLOGIE.
Originaire d'une famille allemande de militaire, il entre chez les Dominicains
et enseigne à Cologne et dans diverses villes de France...
Albert le Grand : la distinction Philosophie - Théologie (Voir
Épistémologie et
PCchap1
Épistémologie évangélique)
- C'est lui qui le premier, très clairement dans l'Histoire de la Pensée
distingue entre la pure rationalité de la philosophie et de la science d'une
part et la théologie qui fait confiance à la Parole venue de Dieu d'autre part.
"C'est la caractéristique du philosophe lorsqu'il dit quelque chose, de le dire
avec une preuve rationnelle."
Il distingue les domaines et les autorités; En morale : Augustin; En médecine :
Hippocrate; En physique : Aristote. Mais convaincu qu'Aristote est un homme, il
faut admettre sans difficulté qu'il a pu se tromper comme cela nous arrive".
(On remarquera en passant que philosophie et science sont encore confondues)
CETTE DISTINCTION
- Libère la théologie de problème
purement philosophique, épistémologique, etc...
- Libère la philosophie de problème
théologique comme la Trinité, l'Incarnation...
Cette distinction a été favorisée par la découverte d'Aristote qui constituait
un exemple réel des conditions d'exercice de la rationalité pure.
Jusqu'en 1700, Albert le Grand sera accusé d'avoir "introduit la philosophie
dans le sanctuaire de la demeure du Christ" Il ne sera canonisé qu'en 1931 !
VII. THOMAS d'AQUIN
(1224-1274)
Même si le texte que je compose est destiné à des débutants pour lesquels les
livres écrits par les spécialistes sont trop difficiles, même si je dois être
très bref, j'éprouve régulièrement une véritable appréhension au moment de
présenter en quelques lignes la pensée de certains grands philosophes et la
pensée du plus grand théologien catholique !
La difficulté est d'autant plus grande que, de nos jours, il a des partisans et
des ennemis. Voici en quelques mots les arguments des uns et des autres.
Même un contact limité suffit à découvrir son style. Chaque question est
clairement posée. Les arguments en faveur des diverses réponses sont rappelés.
La discussion se termine souvent pas une position moyenne. "Sérénité ennuyeuse"
disent les uns. "Clarté séduisante" disent les autres.
- "Au lieu du drame du choix comme chez Augustin, on découvre des syllogismes",
se plaignent certains. A cela CHESTERTON répond dans un très beau livre "Thomas
d'Aquin" édité en 1935 chez Plon. Il rapproche Thomas d'Aquin de François
d'Assise qui, tous deux, nous guérissent du pessimisme et du spiritualisme
hindou et oriental. L'Incarnation nous rappelle que la nature et l'intelligence
sont bonnes !
- "Mieux vaut, disent encore les adversaires, lire le Nouveau Testament et les
Pères au lieu de se perdre dans les discussions et des distinctions, des genres
et des espèces".
Réponse : "distinguer Thomas de ses commentateurs". De plus la méditation de la
Bible et des Pères n'enlève pas la nécessité d'une étude systématique et
complète et en cela, Thomas est le maître.
A ces discussions on peut ajouter que la plupart de ses textes sont des
commentaires de la Bible et que pour le connaître, il faudrait sympathiser avec
le texte des prières qu'il a composées.
En voici quelques lignes avant de passer à sa philosophie et à sa théologie :
" Seigneur je viens à toi
- comme un infirme au médecin de sa
vie,
- comme un impur à la source de
miséricorde,
- comme un aveugle à la lumière de la
clarté éternelle".
-"Donne moi souvent
de porter mon coeur vers toi et, quand je faiblis de peser ma faute avec
douleur, avec un ferme propos de me corriger".
Avant l'étude :
"Toi qui es la source de la lumière et de la sagesse, donne-moi la pénétration
pour comprendre, la capacité de retenir, la méthode et la facilité pour
apprendre, la sagacité pour interpréter et une grâce abondante pour m'exprimer".
(cité par Jean d'ORCASE "des mots pour prier" Cerf 1988 page 97)
1° ÉPISTÉMOLOGIE THOMISTE
Trois manières de connaître.
Dans le 4e livre du "Contra gentiles", un très beau texte synthétise
épistémologie, ontologie et éthique en montrant qu'il y a trois degrés de la
connaissance de Dieu. (voir
Épistémologie 1b- valeur de nos idées - 3e réponse).
- Puisque toute connaissance humaine
a son point de départ dans la connaissance sensible, l'intuition directe de Dieu
est impossible, non seulement parce qu'il n'est pas matériel, mais "séparé par
un
un abîme de supériorité".
"Or la bonheur parfait de
l'homme est la connaissance de Dieu. L'homme est-il incapable d'atteindre son
but ? Il peut s'avancer en partant
des choses inférieures, confiant qu'il y a un
ordre et que la Cause est
supérieure, il peut déjà avoir une idée de Dieu. Mais le principe n'a
aucune
proportion avec les créatures".
- Heureusement "Dieu a voulu RÉVÉLER
certains aspects de son Être mais cette révélation ne peut être comprise,
seulement crue".
- Au-delà de la mort l'homme sera
élevé jusqu'à l'INTUITION DES VÉRITÉS RÉVÉLÉES.
Il y a donc trois manières pour l'homme de connaître les réalités divines".
Dans la première partie de la Somme il y a tout un cours d'Histoire de
l'épistémologie : - "Selon Platon... les idées... erreur"
- "D'après Démocrite... les images"
- "Aristote adopte une position intermédiaire"2° THÉODICÉE THOMISTE
Les spécialistes ne sont pas d'accord pour savoir s'il y a des preuves ou des
voies pour affirmer l'existence de Dieu.
Thomas d'Aquin (Voir
Ontologie -2c d'où vient l'existence des êtres)
- part d'une réalité sensible : (le mouvement, l'ordre, la perfection, la
contingence).
- établit une série de cause
- et montre qu'il y a un terme, une fin à cette série de cause, une Cause,
appelée DIEU.
La création a trois caractéristiques.
Dieu est cause
- de tout ce qui existe
- de toute leur existence à partir de rien et à tout moment
- mais Dieu DONNE vraiment une existence réelle qui (avec ce qu'il est nature,
essence) constitue tout être.
Dieu n'ayant pas fait une nature distincte de son existence, il n'y a pas de
"définition" de Dieu, mais nous nions pour lui tout ce que nous considérons
comme des défauts (mouvement ?) nous affirmons ce que nous considérons comme
qualités.
Mais, (peut-on objecter) l'intelligence humaine ne se trompe-t-elle pas dans
cette distinction des défauts et des qualités ?
3° ÉTHIQUE THOMISTE
La volonté est cette faculté dont l'objet est tout bien et le BIEN. Elle adhère
nécessairement à la fin dernière qui est le BONHEUR.
"La volonté est douée du libre choix. S'il en était autrement, conseil et
exhortations seraient dénués de sens."
"La connaissance est une des causes de l'amour car le bien ne peut être aimé que
s'il est connu."
"La fin dernière doit être un bien parfait capable de SATURER le DÉSIR.
"Nous voudrions vivre sans fin et nous avons naturellement horreur de la
mort".
DEUX BÉATITUDES
L'homme peut atteindre un bonheur imparfait par ses propres forces : la vie
vertueuse. Le bonheur parfait, la vision et la jouissance de Dieu, l'homme ne
peut le conquérir par ses forces naturelles. LA GRÂCE EST DONC DEUX FOIS
NÉCESSAIRE.
- pour recouvrer la santé de sa nature
- et pour exercer les actes des vertus surnaturelles (sans oublier la notion de
la Cause Première) (I, II-109 Z)
4° POLITIQUE THOMISTE
Comme pour les autres questions, on trouvera le même ton dans le texte sur "le
roi et le gouvernement". Un but : le bonheur. Diversité des voies et des désirs.
De plus, contrairement à ce qui se passe pour l'animal, l'homme doit travailler,
personne ne peut seul tout savoir. Preuve : le langage ! Risque de dissociation,
nécessité d'une direction.
Le meilleur régime sera celui où :
- Tous auront une certaine part dans le pouvoir
- sauront harmonieusement combiner les trois formes : la monarchie,
l'aristocratie, la démocratie.
5° ESCHATOLOGIE THOMISTE
Thomas semble vouloir montrer même rationnellement un bonheur ultra terrestre.
On peut citer des textes thomistes parlant du "désir surnaturel d'un bonheur
surnaturel". Les biographes de Thomas d'Aquin rapportent que le Christ lui
apparaît et lui demande de choisir ce qu'il veut vraiment parmi les biens du
monde : "Ce que je veux, c'est Vous".
Le 6 décembre 1273, il refuse d'achever la Somme théologique à la suite d'une
expérience mystique. "Je ne peux écrire. J'ai vu des choses auprès desquelles
mes écrits ne sont que de la paille". il se fait lire le Cantique des Cantiques,
livre le plus étudié à cette époque, le moins commenté de nos jours. Où est le
Bonheur ?
VIII. JEAN DUNS SCOT (1266-1308)
Franciscain d'origine écossaise, ayant vécu en Angleterre et en France, mort à
Cologne. On l'appelle le "docteur subtil" car il multiplie les nuances et les
distinctions.
1° Plus réservé que Thomas sur les possibilités de la connaissance rationnelle
en épistémologie.
2° En ontologie, chaque réalité est "individué" non seulement par la "matière"
mais par "l'haeccéité". A propos de Dieu, il réagit sans doute au nécessitarisme
averroïste et il insiste sur la liberté de Dieu d'une manière très forte.
3° En éthique : insistance également sur la liberté par rapport à la
connaissance.
4° A noter en politique REJET DE L'ESCLAVAGE qui va reprendre vigueur avec la
renaissance de l'antiquité !
5° On ne peut d'après lui, démontrer philosophiquement une destinée
suprasensible.
IX. RAMON LLULL (1233-1316)
Le "créateur de la langue catalane" en
Espagne veut créer une synthèse qui sera évidente pour tous à partir des trois
traditions juives, chrétienne et musulmane.. "Hérétique" d'après l'Inquisition,
"saint" d'après les Franciscains, il est un des pères de tous ceux qui voudront
tout synthétiser; Bruno, Pic de la Mirandole, Nicolas de Cues, Sebon, Leibniz...
que nous rencontrerons dans les étapes suivantes de notre voyage.
X. PREMIÈRES CONDAMNATIONS DU
NATURALISME NAISSANT (1277).
Tous au long de l'Histoire de la Pensée,
ceux qui défendent une nouvelle position rencontrent des oppositions et des
persécutions.
- Socrate est accusé de rejeter les
dieux d'Athènes et il est condamné à mort.
- Les chrétiens avaient été persécutés
pendant 300 ans.
- En 1277, la situation est inversée.
Nous sommes dans une société de chrétienté. C'est l'évêque de Paris : Etienne TEMPIER qui condamne
219 thèses. En voici quelques unes, mentionnées par Etienne
Gilson dans "la philosophie au Moyen Âge" (Payot 1988 p. 559). (Ce livre a été
un de ceux que j'ai le plus utilisé).
- La religion chrétienne empêche de s'instruire
- Il y a des erreurs dans la religion chrétienne comme dans les autres
- Ce que disent les théologiens repose sur des fables
- La vraie sagesse est celle des philosophes seuls.
- Il n'y a pas d'état de vie supérieur à celui du philosophe.
- Le bonheur n'existe qu'en cette vie, non en une autre.
- Un pauvre ne peut agir moralement bien.
DÉBUT DE LA RÉDUCTION NATURALISTE
Peu importe de savoir les noms de ceux qui défendent ces convictions. Ce qu'il
faut souligner c'est que dès 1277, la lutte commence entre la réduction
naturaliste qui veut réduire la vie humaine à un bonheur naturel et la foi
chrétienne qui annonce une union surnaturelle avec Dieu par la médiation du Fils
de Dieu fait homme, Jésus.
En 1277, les autorités de l'Église catholique, contrôle l'enseignement officiel
et l'évêque de Paris peut essayer d'interdire la défense de ces convictions.
Les réactions des défenseurs du naturalisme vont varier selon les époques.
1. Première attitude : se cacher, se faire oublier et laisser des textes où l'on
dit sa vraie conviction pour qu'ils soient propagés après la mort. Le Curé MESLIER, quatre cents ans plus tard (1664-1729) est l'exemple le plus clair de
cette attitude qui a peut-être été assez souvent adoptée sans que nous le
sachions.
"Il aurait été trop dangereux pour moi de vous dire ouvertement ma pensée
pendant ma vie. J'ai résolu de vous la dire après ma mort".
Et le texte donne huit preuves de la fausseté de toutes les religions, expose
"un naturalisme opposé à toute idée de perfection supraphysique". Il propose un
renversement de la puissance de la noblesse qui écrase les pauvres paysans de sa
paroisse avec l'appui des autorités ecclésiastiques. Il faut remarquer
d'ailleurs que les sermons du Curé MESLIER, reprochant les abus des riches lui
avaient mérité une punition de l'archevêque.
2. Deuxième solution, distinguer deux points de vue, "deux vérités" :
"En tant que philosophe je suis certain de ceci ou de cela, mais en tant que
chrétien, bien sûr, j'obéis filialement à l'Église".
Il nous est permis à nous, aujourd'hui, d'avoir des doutes sur la vraie
conviction de ceux qui tiennent ce langage. Et ce doute, je suis porté à l'avoir
pour de nombreux philosophes entre 1300 et 1700, parmi lesquels Montaigne et
Descartes.
D'ailleurs pour nous qui ne cherchons pas avant tout de connaître la pensée de
ces messieurs du passé, mais de choisir nous-même le vrai bonheur, les
discussions sur leurs véritables convictions sont secondaires.
3.
Une troisième attitude que nous rencontrerons au chapitre suivant : préférer
mourir plutôt que de renier ses convictions naturalistes et même athées. Dans la
quatrième partie du septième chapitre nous trouverons les noms de deux martyrs
les plus célèbres de ce naturalisme : BRUNO et VANINI, tous les deux brulés vifs
et rejetant la foi jusqu'au dernier moment. (PC7-4)
Même si toutes les sociétés anciennes ont été intolérantes jusqu'à l'assassinat,
même si les régimes marxistes léninistes ont persécuté les dissidents jusqu'en
1989, on doit considérer ces persécutions des incroyants par les autorités
ecclésiastiques comme une grave trahison de la liberté évangélique !
DE NOS JOURS
La lutte entre les réductions naturalistes et la foi chrétienne occupe la
troisième période de l'Histoire de la Pensée 1600-1993. Mais face à Descartes
qui, d'après l'opinion générale , inaugure les temps modernes avec sa réduction
à la nature, à la raison et même aux mathématiques, se dresse un génie : Blaise
PASCAL. nous verrons que de grand penseurs vont prendre le relais jusqu'à nos
jours. Nous avons le privilège de vivre dans une période pluraliste où plusieurs
convictions peuvent être défendues même si les diverses formes du naturalisme
constituent une idéologie dominante et même écrasante dans les médias de nos
jours. (TPchap12).
EN 1277
Mais revenons à la fin du 13ème siècle pour conclure en présentant une tendance
et deux noms.
- La tendance, c'est ce qu'on appelle
"l'Averroisme", c'est à dire une confiance aveugle envers Averroès et donc
Aristote. Il ne s'agit donc pas
d'un véritable rationalisme mais d'une forme de
"croyance" non seulement dans le domaine philosophique mais même dans le domaine
scientifique qui n'est pas encore distingué de la philosophie.
- Le premier nom à retenir c'est
SIGER DE BRABANT (1235-1284) originaire du Brabant wallon, chanoine de Liège et
professeur de
philosophie à Paris. Il est un des philosophes condamné en 1277. C'est à lui qu'on
attribue la thèse des deux vérités : "Telle thèse est
philosophiquement
démontrée, mais la foi enseigne le contraire... donc..."
- Le deuxième nom : BOECE DE DACIE (
1200-1270). D'origine danoise, il se réfugie chez les bénédictins pour échapper
à l'Inquisition.
Il laisse après sa mort des textes qui ignorent tranquillement toute la Révélation
évangélique et se contentent du "Bonheur suprême qui est
la vie philosophique".
***
Bien sûr, il ne s'agit là que d'exceptions. Mais
le mouvement de contestation est désormais lancé. Pendant des siècles, les
autorités ecclésiastiques vont s'unir aux autorités universitaires et
politiques pour contrôler l'enseignement. En vain, car l'ébranlement est
irrésistible.
Le titre du chapitre suivant constate la fin d'un monde homogène, ordonné,
harmonieux.
Après quelques siècles d'oppositions violentes, nous en arriverons au pluralisme
contemporain. Celui qui le désire peut prendre connaissance des opinions les
plus diverses pour choisir la voie qui, d'après lui, le conduira au vrai
bonheur. A chacun les résultats de son choix. (voir
Conclusion générale).
suite PC chap.7-intro
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