PP
Chap 6

                                                  
 ARISTOTE (
-385 -322)
celui qui voulait tout expliquer
 

 

 

Sommaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

sommaire

 

Nous quittons la théorie de la réminiscence, le mépris et le collectivisme de Platon pour découvrir des thèses plus équilibrées de son disciple Aristote (-385-322)
Né à Stagire près de Thessalonique (d'où le nom de "Stagirite"), fils d'un médecin grec travaillant au service du roi de Macédoine, disciple de Platon à 18 ans, maître du futur empereur Alexandre dont nous avons parlé au 1er chapitre, Aristote fonde la 2ème université d'Athènes; le "Lycée", où il enseigne souvent en se promenant, d'où le nom de "péripatéticiens" donné à ses disciples. Accusé d'être au service des Macédoniens il préfère éviter le sort final de Socrate, il s'enfuit et meurt désenchanté en disant "Amis, il n'y a pas d'amis".
Puisqu'il s'agit d'une "première initiation" qui pourra être complétée par des cours et des lectures, nous pouvons résumer rapidement les réponses d'Aristote à nos cinq questions en complétant ce qui a été dit dans l'Exposé préalable.

1° ÉPISTÉMOLOGIE ARISTOTÉLICIENNE
D'après Aristote, le sage doit posséder le savoir de tout. Il essaie donc de tout classer par genres et espèces. Cependant, même s'il n'y a de science que du "général" et du "nécessaire", il n'y a de réels que les individus. Aristote se dit lui-même le fondateur de la LOGIQUE et c'est sa manière de la présenter que nous avons choisie dans l'Exposé préalable (voir Page d'accueil en bas)
1°a Toute connaissance part de la sensation et en passant par le sens commun, l'imagination, les souvenirs, l'expérience nous arrivons à la connaissance intellectuelle par l'abstraction (relire dans l'exposé préalable  : le conceptualisme et l'abstractionnisme.

2° ONTOLOGIE ARISTOTÉLICIENNE
Aristote donne la moins mauvais expression du changement en synthétisant tous les aspects valables des philosophes qui l'ont précédés. D'après lui tout ce que nous connaissons est composé :
            * de puissance (dunaméis) et d'acte (energeia)
            * de matière (hylé) et de forme (morphé)
            * de substance et d'accident.
Ces trois couples de concepts pourront exprimer plus tard
            * la venue à l'existence (Philosophes arabes et Thomas d'Aquin)
            * la multiplicité et l'unité
            * le changement, le mouvement qui suppose quatre causes découvertes par les philosophes grecs précédents.
            * la cause matérielle (les Milésiens)
            * la cause formelle (Pythagore - Platon)
            * la cause efficiente (Anaxagore)
            * la cause finale (Socrate)

DIEU ?
Aristote pose la question de la première cause de tous les mouvements, mais pas la question de la cause de l'existence des choses.
Le mouvement cosmique, même si il est éternel doit être expliqué d'après Aristote par un Être absolument immobile qui meut l'univers par attirance (érouménon). Telle est donc l'idée qu'Aristote se fait de Dieu, comme étant la Cause finale qui exerce sur le Monde une attraction mais qui ignore ce monde. Tout cela est d'ailleurs dit avec des réserves. "Si le divin est présent quelque part il l'est dans cette nature immobile et séparée..." "S'il est vrai qu'il existe une substance de cette sorte..." 'L'on doit SUPPOSER un Être extrême qui soit moteur sans être mobile".
Ailleurs, Aristote parle de 45 moteurs immobiles. Et dans son testament il demande d'ériger en son nom deux statues de marbre l'une au dieu Zeus Soter et l'autre à la déesse Athéna Soteria.
(voir E. Gilson "Esprit de la Philosophie Médiévale" Vrin 83 p.41-42).

3° ÉTHIQUE ARISTOTÉLICIENNE
Les premières lignes de "l'Éthique à Nicomaque" (traduction Tricot-Vrin 1987) sont prometteuses. Aristote présente la morale de bonheur que nous avons choisie dès la première ligne de l'introduction générale en présentant comme question centrale de la philosophie : "Que vais-je choisir pour devenir vraiment heureux ?". Cette manière de philosopher, nous la devons à Aristote qui cependant va nous décevoir, car il se limite aux perspectives naturelles de la rationalité pure qui, nous le verrons avec Pascal ne peut expliquer l'homme réel.

"Toutes actions tend vers quelques bien. Et quel est, de tout les biens réalisables ce lui qui est le bien suprême. Sur son nom tous, foule et gens cultivés sont d'accord : c'est le BONHEUR (eudaimonia)"
"Par contre, en ce qui concerne la nature du Bonheur, on ne s'entend plus. Les uns l'identifie à quelque chose d'apparent et de visible.
    - comme le PLAISIR (les gens les plus grossiers)
    - la RICHESSE (ce n'est qu'un moyen)
    - les HONNEURS (cela dépend trop des autres)
    - l'AMITIÉ
Souvent le même homme change d'avis sur ce sujet.
Certains pensent qu'il y a un Bien qui existe par soi.
Bienheureux l'homme d'une VERTU PARFAITE et menant sa vie à son TERME (?), mais bienheureux cependant comme les hommes peuvent l'être.

Aristote, dans ces derniers mots, RENONCE AU BONHEUR PARFAIT et, dans ce renoncement désabusé et désenchanté, il y a déjà tout le renoncement épicurien, stoïcien et sceptique que nous rencontrerons dans le chapitre septième et que nous avons rencontré dans le bouddhisme.
Seule la Révélation Évangélique apportera une réponse inattendue et surabondante. Pour l'apprécier il faut comparer avec les morales naturelles que nous étudions dans la première période.
Quelques citations encore d'Aristote : "Il est malaisé d'accomplir les bonnes actions quand on est dépourvu de ressources"..."Le bonheur dépend du hasard, de la noblesse, de la race, de la beauté physique". "Le bonheur suprême c'est la contemplation, car le plaisir est d'autant plus grand que c'est le plaisir d'une activité supérieure...".

L'AMITIÉ (PHILIA)
Le huitième livre de "l'Éthique à Nicomaque" est célèbre, il est consacré à l'amitié. "Elle suppose beaucoup de temps, la vie commune, la communauté de goût et surtout (pense Aristote) une certaine égalité". "Si l'un des amis est séparé par un intervalle CONSIDÉRABLE, comme DIEU EST SÉPARÉ DE L'HOMME, il n'y a PLUS D'AMITIÉ POSSIBLE". Il en est de même dans le cas de l'ESCLAVE".
C'est en lisant ces tristes lignes que  l'on peut apprécier les Évangiles. D'après Aristote "Dieu est trop parfait pour penser à autre chose qu'à lui même.
Autre opinion d'Aristote sur Dieu : Il serait ridicule d'accuser Dieu parce que l'amour que nous recevons de Lui est inférieur à celui que nous lui donnons, comme il serait ridicule pour le sujet de faire pareil reproche à un roi.
Voilà ce que donne une pensée humaine sur Dieu. Les Évangiles diront exactement le contraire ! (voir Période Centrale, Chap.1)
Une citation enfin sur l'esclavage.
Pour Aristote "l'utilité des animaux privés et celle des esclaves sont à peu près les mêmes. Ainsi la guerre est un moyen naturel de l'économie domestique."

MORALE DE VERTUS
On peut également trouver chez Aristote de longues pages sur les diverses vertus acquises par la répétition d'actes qui produisent les bonnes habitudes. Toutes les vertus (comme le courage) peuvent périr par défaut (lâcheté) ou excès (témérité). Elles se conservent par la MESURE et la MODÉRATION. Tous ces concepts aristotéliciens vont encombrer la théologie morale officiellement chrétienne en se mêlant avec le dualisme platonicien et l'indifférence stoïcienne que nous découvrirons plus loin.

4° POLITIQUE ARISTOTÉLICIENNE
Comme chez Platon la Politique est considérée comme supérieure à l'Éthique car même si "le bien est assurément aimable même pour un individu, il est plus beau et plus divin appliqué à une nation ou a une cité". Nous sommes loin de Socrate !
Grâce à son ancien élève, Alexandre le Grand, Aristote a pu consulter 158 constitutions. Il montre que toutes les formes de gouvernement peuvent se dégrader.

5° ESCHATOLOGIE ARISTOTÉLICIENNE
D'après Aristote, nous l'avons vu en ONTOLOGIE (2°), la matière et la forme ne peuvent exister à l'état séparé. L'âme étant la forme du corps, elle disparaît logiquement  avec lui à la mort. Mais dans l'âme, Aristote distingue deux Intellects dont l'un, l'intellect actif semble présenté comme unique, commun à tous les hommes, rayon divin et jouissant d'une immortalité impersonnelle ???
Mais dit Aristote sur ce point : "Rien n'est encore évident".

"Sur la NATURE DE L'ÂME, NOUS N'OSONS RIEN AFFIRMER, IL FAUDRAIT QU'UN DIEU S'EN PORTE GARANT."

En définitive, Aristote nous apparaît comme l'intelligence la plus claire de toute l'antiquité. Les philosophes qui le suivent vont tirer le bilan de ses recherches en renonçant à la vérité et au bonheur...

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