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Tout d'abord...
Parmi les adultes qui ont fait de la philosophie dans leur jeunesse
très peu d'entre eux considèrent la réflexion philosophique comme
source de leurs convictions. De cet échec trop fréquent de
l'enseignement de la philosophie, on peut discerner cinq motifs :
1/ Réponses sans question
Le premier motif de cette déception, c'est que trop de
professeurs et et de livres philosophiques exposent des réponses qui sont
incompréhensibles pour celui qui n'a pas encore posé ni formulé la question
à laquelle ces réponses "correspondent".
Ce n'est pas tout. Même ceux qui expriment les questions avant d'exposer les
réponses suivent souvent un ordre logique en commençant par les questions
philosophiques de la connaissance (épistémologie) et du réel (ontologie) qui
sont plus difficiles à comprendre et dont l'étudiant ne perçoit pas l'intérêt.
L'expérience m'a montré qu'il est préférable, dans un premier temps de suivre un
ordre pédagogique. Il faut commencer par la 3ème question qui est centrale.
"QUE VAIS-JE CHOISIR, POUR DEVENIR
VRAIMENT HEUREUX" (Éthique, 3°)
Il faut montrer ensuite que pour répondre à cette question, il faut remonter à la
question fondamentale de la nature de l'homme (Ontologie, 2°) et à la
question préalable de la valeur de la connaissance humaine (épistémologie, 1°).
Ce n'est qu'après avoir montré l'intérêt relatif des cinq questions de la
philosophie en suivant un ordre pédagogique que nous les passerons en revue,
dans un ordre logique.
2/ Désaccord sur le mot "philosophie"
Un deuxième motif de la déception ressentie par ceux qui avaient commencé
l'étude de la philosophie avec intérêt, c'est le contraste qu'ils découvrent
avec l'étude des sciences.
Alors qu'en science, l'expérimentation met fin au débat et impose un accord
général, les philosophes ne sont même pas d'accord sur la signification du mot
"philosophie".
La deuxième partie de cet exposé préalable rappellera donc l'origine des
significations successives du mot "philosophie".
Ceux qui, à la suite de Socrate, donnent au mot philosophie une signification
plutôt éthique comprendront sans peine qu'elle est plus importante que l'étude
des sciences. Ils ne s'étonneront plus de constater le désaccord des
philosophes. Il s'explique par l'importance du débat : le vrai bonheur de
chacun.
3/ Froide neutralité...
Troisième origine du désintérêt qui le plus souvent succède à l'enthousiasme des
débuts : les professeurs croient devoir cacher leurs convictions personnelles et
ils énumèrent une succession d'opinions contradictoires. Au lieu de trouver dans
l'enseignement de la philosophie une aide pour son choix personnel, l'étudiant
est noyé dans le chaos du scepticisme relativiste, qui provoque en lui une
véritable angoisse.
La troisième partie de l'exposé préalable montre au contraire que l'historien
des philosophies peut révéler ses préférences, car l'étudiant a toujours la
possibilité de lire et d'écouter des points de vue différents. Une opinion doit
donc compléter l'information.
4/ Une histoire incomplète
On peut trouver une autre raison du désintérêt progressif que l'on rencontre
chez les étudiants francophones. L'enseignement est souvent contaminé par une
hostilité maladive à l'égard des croyances religieuses et spécialement de la foi
chrétienne.
Un des résultats positifs du succès mondial du "Monde de Sophie" de Jostein
Gaarder sera justement de montrer qu'une "Histoire de la Pensée" est
incompréhensible si l'on ignore les évangiles et la théologie chrétienne.
En Norvège comme dans beaucoup de pays non francophone, les philosophes ne
s'enferment pas dans un rationalisme étroit et désespéré.
La quatrième partie de l'exposé préalable montre donc qu'être en même temps
philosophe et chrétien est non seulement possible mais souhaitable.
5/ Un manque de synthèse
Enfin, j'avais déjà constaté depuis longtemps que la plupart des étudiants ne
voyaient pas les relations entre les diverses périodes de l'Histoire de la
Pensée, surtout lorsque l'enseignement de chaque période est confiée à des
professeurs différents.
La cinquième partie de l'exposé préalable essaie donc de faire en quelques
paragraphes une synthèse de toute l'Histoire de la Pensée avant de détailler
patiemment chaque siècle et chaque auteur.
I/ Les cinq
questions de "la" philosophie
Il est possible d'entrer dans la réflexion philosophique par trois portes
différentes :
a/ On peut commencer par la lecture des oeuvres d'un seul auteur célèbre.
Mais il est possible que l'auteur choisi concentre toute son attention sur
une question secondaire et dans ce cas, on risque de perdre des dizaines
d'années. Dans la conclusion de ses "Mémoires" (ed. Julliard 1983 p 749)
Raymond Aron regrette d'avoir consacré trop de temps à la politique et pas
assez aux religions.
b/ Deuxième porte d'entrée, suivre d'abord l'ordre chronologique en lisant
une histoire des philosophies. Comme je l'ai déjà signalé, la difficulté est
alors que les RÉPONSES proposées par les divers philosophes au long des
siècles restent incompréhensibles si l'on n'a pas compris les QUESTIONS
auxquelles ils prétendent répondre.
c/ Il est donc préférable d'entrer par la troisième porte. Cette entrée
consiste à étudier d'abord les QUESTIONS qui ont été débattues durant des
siècles.
Sept ? Trois ? Cinq ?
Le nombre des questions principales de la philosophie, est bien sûr,
discutable. En 1982 dans la "Nouvelle Introduction à la Philosophie" (FOFIPA
Tananarive) j'en avais choisi sept. Emmanuel Kant, on le sait, résumait la
philosophie en trois questions :
- Que puis-je connaître ? (1°)
- Que dois-je faire ? (3°)
- Que puis-je espérer ? (5°)
Réflexion faite, j'ai pensé que l'on pouvait tout rattacher à cinq questions
qui, tout au long de cette "Histoire de la Philosophie" seront numérotées de la
même manière : 1°,2°, 3°, 4°, 5°.
Dans le tableau de ces cinq questions, on retrouve les trois questions de Kant,
mais dans une autre formulation.
Pour chaque question,
- voici tout d'abord un mot facile puisqu'il s'agit d'une première initiation.
- Ensuite, il y a le mot technique qu'il faut essayer de retenir même s'il sera
répété, du moins au début.
- Ensuite la question est formulée d'une manière très simple.
Elle sera développée et ré exprimée avec d'autres mots par les philosophes au
long des siècles.
- L'importance relative de chaque question est indiquée entre parenthèse.
Ce tableau servira de cadre pédagogique tout au long des trois périodes.
TABLEAU
Mot facile |
Mot technique |
Formulation |
Importance relative |
1° CONNAISSANCE |
Épistémologie |
L'intelligence humaine est-elle capable d'atteindre
le vrai, de connaître la vérité ? |
question préalable |
2° RÉEL |
Ontologie |
Qu'est-ce qui existe vraiment, réellement ?
Qu'est-ce que réellement l'homme, l'univers, Dieu ?
Quelle est l'origine de l'existence des êtres ? |
question fondamentale |
3° CHOIX |
Éthique |
Que vais-je choisir pour devenir vraiment
heureux ? |
question centrale |
4° SOCIÉTÉ |
Politique |
Quelle est la moins mauvaise organisation de la
société |
question secondaire |
5° MORT |
Eschatologie |
Au delà de la mort, y a-t-il quelque chose ? Et quoi
?
L'histoire, le temps ont-ils un sens ? |
question décisive |
Ordre Pédagogique
Tous les professeurs connaissent l'agacement que l'on ressent lorsqu'un
étudiant vient demander la signification d'un mot qui a déjà été expliqué
dans un cours précédant. Ce jour là, il n'a pas fourni l'attention
nécessaire car il ne voyait pas encore l'utilité de comprendre tel ou tel
mot. On ne peut que lui répondre : "Mon ami, tu n'as pas eu la patience, tu
n'as pas fourni l'effort nécessaire lorsque le cours était difficile.
Maintenant, tu le regrettes. Désormais, fais confiance, même lorsque le
problème qui est développé te semble à toi sans intérêt pour le moment. Tu
prétends te contenter de ton intuition pour découvrir le vrai bonheur ?
Mais, si tu veux dialoguer avec d'autres et lire certains livres, il te faut
acquérir un certain vocabulaire. Ni toi, ni moi, nous n'avons de temps à
perdre. Il est préférable de fournir un effort dès maintenant. Tu en
récolteras les fruits très souvent.
Après avoir fait ce reproche très souvent, j'ai fini par comprendre que le
professeur avait lui aussi une part de responsabilité. Avant de commencer un
exposé difficile il doit en montrer l'intérêt.
Avant de suivre l'ordre logique des cinq questions, tel que proposé dans le
tableau, il doit suivre un ordre pédagogique de ces questions. Il doit
montrer que la 3° question, qui est la plus intéressante puisqu'elle traite
de notre bonheur, ne peut être solutionnée si on n'a pas examiné la première
question. Malheureusement, cette première question qui étudie le mécanisme
de la connaissance est la plus difficile à comprendre.
Commencer par le 3° : LE CHOIX MORAL
ÉTHIQUE
Dès les premières ligne de l'introduction générale, j'ai essayé de montrer
que la troisième question de la philosophie s'impose à tout homme, même
illettré !
Très souvent, chacun de nous se demande :
"Quel est le besoin, le désir, que je vais satisfaire en premier lieu ?".
Car très souvent, il faut choisir.
C'est ici que nous rencontrons la différence entre l'animal et l'homme.
Contrairement à l'animal, l'homme n'est pas entièrement programmé et
déterminé par ses instincts et ses pulsions, même si certains philosophes
contemporains nous encouragent à revenir à l'animalité. Même ceux qui
ne croient pas à la liberté de la personne ne peuvent contester un fait : un
minimum d'éducation est donné à tous les enfants.
Partout est toujours, les homme essaient d'imposer à leurs enfants des
règles, des normes, des lois, des commandements.
Certains besoins ne peuvent être satisfait n'importe où. Cette norme
et bien d'autres sont universelles.
- Toutes les sociétés canalisent la sexualité par l'interdit
de l'inceste
- Toutes les sociétés canalisent l'agressivité par l'interdit
du meurtre
- Toutes les sociétés favorisent un minimum de communication
par l'interdit du mensonge.
A ces trois interdits s'ajoutent des coutumes plus ou moins nombreuses et
diverses selon des sociétés.
Dans la conscience de chaque homme, l'éducation (bonne ou mauvaise?) qu'il a
reçue, forme progressivement un conglomérat "d'évidence" sur le bien qu'il
doit faire et le mal qu'il doit éviter.
Il est donc évident que la première "régulation" des désirs et des besoins
pour tout homme est, dans un premier temps, imposée, collective et
traditionnelle. Cette régulation plus ou moins inconsciente peut persister
longtemps dans une société homogène et isolée.
Les individus n'y connaissent pas l'angoisse du doute, de la réflexion et du
choix. Mais on peut penser qu'il est préférable de vivre dans une société
pluraliste, ce qui sera peu à peu le cas partout dans le monde.
Même si cela se produit plus ou moins vite, un jour ou
l'autre chacun s'aperçoit que les règles, les normes, les lois, les
interdits, les commandements qu'on lui a imposés, ne sont pas observé par
tout le monde.
Cette constatation fait naître le doute, la réflexion et le choix, elle fait
naître le philosophe, c'est à dire tout homme le jour où il pose la question
à la première personne du singulier.
"Parmi les diverses opinions et les divers comportements que je rencontre
dans la vie ou dans les livres, que vais-JE choisir pour devenir vraiment
"heureux"?"
Cette troisième question de la philosophie dans l'ordre logique, est sans
doute la première qui jaillit dans le coeur de tout homme. Elle est la plus
intéressante.
Si l'on veut encourager un étudiant ou un lecteur à s'intéresser à la
philosophie, il faut lui montrer que toutes les autres questions de la
philosophie servent et contribuent à répondre à cette question centrale du
choix du vrai bonheur. (ÉTHIQUE ou MORALE) (Ethique)
Remonter au 2° : LA NATURE DE L'HOMME
C'est pour choisir le vrai bonheur que l'on doit remonter à la deuxième
question. "Qu'est-ce qui est vraiment réel, la matière, les esprits, ou Dieu
seul ?
Qu'est-ce que l'homme ? un animal parmi d'autres ? Un esprit enfermé dans un
corps? Peut-il entrer en relation avec Dieu?
Ces questions sont fondamentales. La réponse que je vais choisir comme étant
la plus vraie sera le fondement sur lequel je vais m'appuyer pour choisir
mon vrai bonheur, pour en arriver à la réalisation parfaite en moi des
désirs constitutifs de l'homme. (Ontologie)
Remonter au 1° : LA VALEUR DE LA CONNAISSANCE
E pour répondre à la deuxième question sous ses diverses formes, une autre
question préalable se pose : est-ce que mon intelligence individuelle peut
distinguer le vrai du faux ? Dois-je faire confiance aux hommes diplômés et
compétents ? Peut-on accepter la conviction de certains croyants qui
proclament que les réponses aux grandes questions humaines sont données dans
une révélation venue de Dieu ? Mais comment distinguer une révélation venue
de Dieu et une croyance purement humaine ?
Ces questions, on peut les grouper sous le mot "épistémologie". Elles sont
difficiles et, lorsqu'un professeur ou un livre traite de ces questions
beaucoup d'étudiants et des lecteurs sont tentés d'abandonner. Mais
logiquement il faut courageusement commencer par ce 1°. (Epistémologie)
4° : LES QUESTIONS POLITIQUES
Où faut-il situer les questions concernant l'organisation de la société : la
philosophie politique ?
Au début du cours si on veut intéresser les étudiants ? Mais le risque
est de perdre trop de temps à cette question secondaire dont la réponse
dépend de l'éthique choisie. Logiquement nous avons situé cette question à
la 4ème place. (Société_Politique)
5° : LA QUESTION INSOLUBLE
L'ordre pédagogique des questions s'appuie sur l'intérêt porté au bonheur
(3°)
2° pour inviter à une réflexion sur la nature de l'homme et
1° sur les moyen d'une connaissance vraie.
4° Après avoir examiné les questions de la politique,
5°on arrive enfin à la cinquième question que la plupart des hommes évitent
par tous les moyens, "qu'y a-t-il au-delà de la mort ?". Cette question est
même ignorée par beaucoup de philosophes parce qu'elle est insoluble, si on
reste enfermé dans un rationalisme étroit.
Et pourtant, cette question est décisive, car la réponse à la question
centrale du choix du vrai bonheur dépend de l'opinion que l'on adopte sur
l'au-delà de la mort. Le philosophe français Blaise PASCAL exprime
l'importance décisive de cette question d'une manière très claire.
"Toute nos actions, et toutes nos pensées doivent prendre des routes si
différentes selon qu'il y aura un bonheur éternel, ou non.
Notre premier intérêt est donc de nous éclairer sur ce sujet d'où dépend
toute notre conduite" (L427 - B 194). (Eschatologie)
Malgré ce conseil de Pascal, nous ne commencerons par
l'étude détaillée des questions philosophiques par celle de la mort. Nous
suivrons désormais l'ordre logique, en commençant par l'épistémologie c'est
à dire par la valeur de la connaissance humaine.
Puis-je espérer que ce survol rapide des cinq questions dans
l'ordre pédagogique a convaincu l'un ou l'autre lecteur hésitant de
fournir, si nécessaire, un effort exceptionnel d'attention surtout dans
l'examen de la première question, celle de la connaissance, de
l'épistémologie.
suite
de
l'Exposé Préalable
épistémologie,
ontologie,
éthique,
politique et
eschatologie.
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