PP
chap. 2
-5-

                                                  
Immémorial et très répandu
L'HINDOUISME
est menacé par l'idéal moderne d'égalité
 

 

 

Sommaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sommaire

 

Que dirait un Européen si un Hindou présentait sous le tire "d'européanisme" une prétendue synthèse de toutes les doctrines qui se sont succédées en Europe depuis 3500 ans.
De même, peut-on désigner par le mot "d'hindouisme" un ensemble multimillénaire de croyances, de philosophies, et surtout d'organisations sociales très complexes que les Hindous appellent eux-mêmes "l'Ordre Éternel" (SANATANA DHARMA). A cette complexité extrême, s'ajoute la conviction (commune aux trois systèmes de pensée extrême-orientale que nous devons décrire à présent) selon laquelle la réalité est inconnaissable et encore plus inextricable. Cette conviction rend pratiquement impossible tout dialogue théorique avec l'hindouisme, le bouddhisme et les sagesses chinoise et japonaise...
Au premier abord, l'impression est que le dialogue est détendu à cause d'une tolérance infinie qui accepte toutes les opinions, tous les comportements et tous les mélanges syncrétistes...
Mais on ne tolère pas une conviction qui se croit objectivement vraie et encore moins celle qui prétend pouvoir être exprimée clairement.
En Orient, chacun fait une expérience intérieure et suggère par images ce qu'il ressent et qui ne peut-être compris que par celui qui a une expérience intérieure semblable.
Malgré ces difficultés, une "première initiation à l'Histoire de la Pensée" doit présenter les accents dominants de l'hindouisme face à nos cinq questions.

1° Épistémologie : Maya = illusion
La réponse (commune à l'hindouisme et au bouddhisme) à la question philosophique de la connaissance tourne autour du mot : "MAYA", c'est-à-dire illusion. Nous vivons dans l'illusion, nous passons d'un rêve à  l'autre. Bien sûr, il y a des nuances dans cette méfiance de la connaissance. Certains diront : la vérité ne peut pas être connue dans sa totalité. D'autres diront que la connaissance sensible est un mensonge car Dieu seul existe. La tendance est plutôt de considérer la vie comme une illusion.

2° Ontologie : Advaïta = non dualité
"Qu'est-ce qui existe vraiment ?" La réponse hindoue à cette deuxième question consiste à relativiser ou même à nier la pluralité des êtres. C'est "l'advaïta", c'est-à-dire la "non dualité". Il n'y a pas "deux" réalités : Dieu et le monde. Il n'y a pas Dieu et moi. Il n'y a qu'une réalité unique. Cette doctrine que l'on retrouvera tout au long de l'histoire de la pensée avec Parménide et Spinoza s'appelle le MONISME (du grec monos = unique), PANTHÉISTE (du grec pan = tout et theos = Dieu).
En tout cas, la tendance générale de l'ontologie hindoue est l'opposition la plus totale au matérialisme naïf de beaucoup d'Européens qui  n'admettent que la réalité de la matière.

3° Éthique : Karma    : action
                   Samsara : réincarnation

L'éthique hindoue est bâtie sur une "loi" de la rétribution automatique qui doit normalement me décider à choisir un comportement de plus en plus spiritualisé.
Tout ce qui m'arrive dans ma vie présente : situation familiale, maladies, infirmités, faveurs diverses, est la conséquence des actions (KARMA) dans mes vies précédentes.
De même tout ce que je fais (KARMA) de bien et de mal dans la vie présente entraînera des conséquences heureuses ou malheureuses dans ma vie suivante.
Comme l'écrit le DALAÏ LAMA dans ses "Mémoires" en exprimant une conviction commune à l'indouisme et au bouddhisme : "La conscience est un phénomène sans fin, elle suit son cours et au long des siècles accumulent les nouvelles empreintes."
"Lorsque survient la mort physique, l'âme renaît dans un autre corps (SAMSARA : RÉINCARNATION). Ce nouveau  corps est plus ou moins élevé selon ce que l'âme a accumulé en bien ou en mal. Elle peut entrer dans un corps animal, un corps d'homme d'une caste inférieure ou supérieure, un corps divin..."
Cette conviction produit une MORALE DE L'EFFORT et de L'ASCÈSE. C'est ici la grande différence avec la foi chrétienne qui annonce la filiation divine comme un don GRATUIT de Dieu même s'il y a aussi un effort qui répond à cette grâce.

4° Société : Varna, Jati = castes
Nous arrivons à l'aspect le plus négatif de l'hindouisme aux yeux de ceux qui ont accueilli le message évangélique de l'égalité de tous les hommes. Il s'agit du système des CASTES. La moitié de la population de l'Inde encore aujourd'hui est considérée par l'autre et même par elle-même comme n'étant pas vraiment humaine et cela comme conséquence d'actes mauvais commis par leur âme dans les corps des vies précédentes.
Cet élément essentiel du système de pensée hindou est menacé par l'idéal de l'égalité de tous les hommes qui a été proclamé par Jésus : "Vous êtes tous frères" (Matthieu 23:8-9).

5° Eschatologie : Moksa, Mukti = la délivrance
La question que les Hindous posent au sujet de la mort n'est pas : "Y a-t-il quelque chose au-delà ?. Cela est évident pour eux. La question est : "que faire pour mériter de ne plus se réincarner (Mukti) ? Car si des Européens crédules ont adopté l'idée d'une réincarnation imaginée comme une suite de vies faciles, les Hindous considèrent la loi de la réincarnation comme une malédiction dont il faut se libérer soi-même. C'est dans les "chemins", les "voies" choisies pour "MÉRITER" une vie suivante meilleure, que la diversité est la plus grande. Nous pouvons nous contenter de cinq types de voies, de méthodes parmi d'innombrables "chemins".
    1/ Beaucoup se contentent de la BAKTI, de la dévotion envers une ou plusieurs divinités que l'on voit représentées dans les temples. On est souvent proche de l'animisme avec des sacrifices divers.
    2/ Deuxième voie : suivre la "révélation" ? de la GÎTA et se détacher du fruit de ses actes pour ne pas alourdir la conscience ( influence du bouddhisme et du christianisme ?).
    3/ Il y a ensuite le YOGA, mettre toute ses énergies sous le "JOUG"  de la volonté par des abstinences, des postures et des techniques respiratoires qui peuvent produire des états psychologiques seconds...
    4/ Quatrième voie (NYAYA) : le salut dépend d'un effort de connaissance, d'une prise de conscience de cette non dualité entre "moi" (atma) et la "divinité" (Brahman). Cette forme intellectualiste se répand dans le monde. D'ailleurs la surévaluation de la "connaissance" (gnose) est une tentation permanente des philosophies et des religions y compris dans le christianisme
    5/ Enfin on peut grouper dans une cinquième voie toutes les sectes innombrables où l'on  mélange des éléments contradictoires de toutes les religions.

CRÉDULITÉ
Non seulement en Inde, mais un peu partout dans le Monde, à la suite du pluralisme favorisé par les médias, beaucoup d'hommes de notre temps, après avoir quitté le rationalisme orgueilleux qui refuse  toute croyance, tombe  dans l'excès inverse de la crédulité la plus naïve en acceptant n'importe quoi sans aucune vérification ni réflexion . Certes, la raison humaine ne trouve pas de réponse satisfaisante en s'enfermant dans les limites étroites de la rationalité pure et tout homme est contraint de choisir une croyance ou une foi. Mais encore faut-il choisir la foi qui présente des motivations raisonnables. Une histoire des philosophies et des croyances doit permettre de choisir des critères progressifs de vérité.

REPÈRES HISTORIQUES
Même si l'hindouisme aime à se présenter comme "éternel" nous pouvons choisir 7 repères historiques.
        1/ -1450 avant le Christ : les "Vedas"
        2/ -800  -400 "Upanishads"
        3  -550  -480 : un Hindou, le Bouddha, fonde le bouddhisme que nous allons étudier dans le paragraphe suivant et un roi ACHOKA -264 -227
             essaie d'imposer le bouddhisme à l'Inde qui le rejettera totalement en 600 après le Christ.
        4/ +200 "Mahabharata" et la "Bhagavat-Gita" qui a pu être influencé par la révélation chrétienne et par le bouddhisme.
        5/  +1400 : choc avec l'Islam qui n'est pas encore terminé
        6/ Pour nous, la lecture directe des oeuvres de Gandhi dont nous reparlerons et de TAGORE nous introduit à un hindouisme métissé de christianisme.
        7/ A l'avenir, l'indouisme deviendra un élément de luttes politiques avec deux tensions, celle qui oppose les hindous aux musulmans et celle qui opposera les castes entre elles.

(suite PP2-6)