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Que dirait un Européen si un Hindou présentait sous le tire "d'européanisme"
une prétendue synthèse de toutes les doctrines qui se sont succédées en Europe
depuis 3500 ans.
De même, peut-on désigner par le mot "d'hindouisme" un ensemble multimillénaire
de croyances, de philosophies, et surtout d'organisations sociales très complexes
que les Hindous appellent eux-mêmes "l'Ordre Éternel" (SANATANA DHARMA). A cette
complexité extrême, s'ajoute la conviction (commune aux trois systèmes de pensée
extrême-orientale que nous devons décrire à présent) selon laquelle la réalité
est inconnaissable et encore plus inextricable. Cette conviction rend
pratiquement impossible tout dialogue théorique avec l'hindouisme, le bouddhisme
et les sagesses chinoise et japonaise...
Au premier abord, l'impression est que le dialogue est détendu à cause d'une
tolérance infinie qui accepte toutes les opinions, tous les comportements et
tous les mélanges syncrétistes...
Mais on ne tolère pas une conviction qui se croit objectivement vraie et encore
moins celle qui prétend pouvoir être exprimée clairement.
En Orient, chacun fait une expérience intérieure et suggère par images ce qu'il
ressent et qui ne peut-être compris que par celui qui a une expérience
intérieure semblable.
Malgré ces difficultés, une "première initiation à l'Histoire de la Pensée" doit
présenter les accents dominants de l'hindouisme face à nos cinq questions.
1° Épistémologie : Maya = illusion
La réponse (commune à l'hindouisme et au bouddhisme) à la question philosophique
de la connaissance tourne autour du mot : "MAYA", c'est-à-dire illusion. Nous
vivons dans l'illusion, nous passons d'un rêve à l'autre. Bien sûr, il y a
des nuances dans cette méfiance de la connaissance. Certains diront : la vérité
ne peut pas être connue dans sa totalité. D'autres diront que la connaissance
sensible est un mensonge car Dieu seul existe. La tendance est plutôt de
considérer la vie comme une illusion.
2° Ontologie : Advaïta = non dualité
"Qu'est-ce qui existe vraiment ?" La réponse hindoue à cette deuxième question
consiste à relativiser ou même à nier la pluralité des êtres. C'est "l'advaïta",
c'est-à-dire la "non dualité". Il n'y a pas "deux" réalités : Dieu et le monde.
Il n'y a pas Dieu et moi. Il n'y a qu'une réalité unique. Cette doctrine que
l'on retrouvera tout au long de l'histoire de la pensée avec Parménide et
Spinoza s'appelle le MONISME (du grec monos = unique), PANTHÉISTE (du grec pan =
tout et theos = Dieu).
En tout cas, la tendance générale de l'ontologie hindoue est l'opposition la
plus totale au matérialisme naïf de beaucoup d'Européens qui n'admettent
que la réalité de la matière.
3° Éthique : Karma : action
Samsara : réincarnation
L'éthique hindoue est bâtie sur une "loi" de la rétribution automatique qui doit
normalement me décider à choisir un comportement de plus en plus spiritualisé.
Tout ce qui m'arrive dans ma vie présente : situation familiale, maladies,
infirmités, faveurs diverses, est la conséquence des actions (KARMA) dans mes
vies précédentes.
De même tout ce que je fais (KARMA) de bien et de mal dans la vie présente
entraînera des conséquences heureuses ou malheureuses dans ma vie
suivante.
Comme l'écrit le DALAÏ LAMA dans ses "Mémoires" en exprimant une conviction
commune à l'indouisme et au bouddhisme : "La conscience est un phénomène sans
fin, elle suit son cours et au long des siècles accumulent les nouvelles
empreintes."
"Lorsque survient la mort physique, l'âme renaît dans un autre corps (SAMSARA :
RÉINCARNATION). Ce nouveau corps est plus ou moins élevé selon ce que
l'âme a accumulé en bien ou en mal. Elle peut entrer dans un corps animal, un
corps d'homme d'une caste inférieure ou supérieure, un corps divin..."
Cette conviction produit une MORALE DE L'EFFORT et de L'ASCÈSE. C'est ici la
grande différence avec la foi chrétienne qui annonce la filiation divine comme
un don GRATUIT de Dieu même s'il y a aussi un effort qui répond à cette grâce.
4° Société : Varna, Jati = castes
Nous arrivons à l'aspect le plus négatif de l'hindouisme aux yeux de ceux qui
ont accueilli le message évangélique de l'égalité de tous les hommes. Il s'agit
du système des CASTES. La moitié de la population de l'Inde encore aujourd'hui
est considérée par l'autre et même par elle-même comme n'étant pas vraiment
humaine et cela comme conséquence d'actes mauvais commis par leur âme dans les
corps des vies précédentes.
Cet élément essentiel du système de pensée hindou est menacé par l'idéal de
l'égalité de tous les hommes qui a été proclamé par Jésus : "Vous êtes tous
frères" (Matthieu 23:8-9).
5° Eschatologie : Moksa, Mukti = la délivrance
La question que les Hindous posent au sujet de la mort n'est pas : "Y a-t-il
quelque chose au-delà ?. Cela est évident pour eux. La question est : "que faire
pour mériter de ne plus se réincarner (Mukti) ? Car si des Européens crédules
ont adopté l'idée d'une réincarnation imaginée comme une suite de vies faciles,
les Hindous considèrent la loi de la réincarnation comme une malédiction dont il
faut se libérer soi-même. C'est dans les "chemins", les "voies" choisies pour
"MÉRITER" une vie suivante meilleure, que la diversité est la plus grande. Nous
pouvons nous contenter de cinq types de voies, de méthodes parmi d'innombrables
"chemins".
1/ Beaucoup se contentent de la BAKTI, de la dévotion envers
une ou plusieurs divinités que l'on voit représentées dans les temples. On est
souvent proche de l'animisme avec des sacrifices divers.
2/ Deuxième voie : suivre la "révélation" ? de la GÎTA et se
détacher du fruit de ses actes pour ne pas alourdir la conscience ( influence du
bouddhisme et du christianisme ?).
3/ Il y a ensuite le YOGA, mettre toute ses énergies sous le
"JOUG" de la volonté par des abstinences, des postures et des techniques
respiratoires qui peuvent produire des états psychologiques seconds...
4/ Quatrième voie (NYAYA) : le salut dépend d'un effort de
connaissance, d'une prise de conscience de cette non dualité entre "moi" (atma)
et la "divinité" (Brahman). Cette forme intellectualiste se répand dans le
monde. D'ailleurs la surévaluation de la "connaissance" (gnose) est une
tentation permanente des philosophies et des religions y compris dans le
christianisme
5/ Enfin on peut grouper dans une cinquième voie toutes les
sectes innombrables où l'on mélange des éléments contradictoires de toutes
les religions.
CRÉDULITÉ
Non seulement en Inde, mais un peu partout dans le Monde, à la suite du
pluralisme favorisé par les médias, beaucoup d'hommes de notre temps, après
avoir quitté le rationalisme orgueilleux qui refuse toute croyance, tombe
dans l'excès inverse de la crédulité la plus naïve en acceptant n'importe quoi
sans aucune vérification ni réflexion . Certes, la raison humaine ne trouve pas
de réponse satisfaisante en s'enfermant dans les limites étroites de la
rationalité pure et tout homme est contraint de choisir une croyance ou
une foi. Mais encore faut-il choisir la foi qui présente des motivations
raisonnables. Une histoire des philosophies et des croyances doit permettre de
choisir des critères progressifs de vérité.
REPÈRES HISTORIQUES
Même si l'hindouisme aime à se présenter comme "éternel" nous pouvons choisir 7
repères historiques.
1/ -1450 avant le Christ : les "Vedas"
2/ -800 -400 "Upanishads"
3 -550 -480 : un Hindou,
le Bouddha, fonde le bouddhisme que nous allons étudier dans le paragraphe
suivant et un roi ACHOKA -264 -227
essaie d'imposer le bouddhisme à l'Inde qui
le rejettera totalement en 600 après le Christ.
4/ +200 "Mahabharata" et la "Bhagavat-Gita"
qui a pu être influencé par la révélation chrétienne et par le bouddhisme.
5/ +1400 : choc avec l'Islam
qui n'est pas encore terminé
6/ Pour nous, la lecture directe des
oeuvres de Gandhi dont nous reparlerons et de TAGORE nous introduit à un
hindouisme métissé de christianisme.
7/ A l'avenir, l'indouisme deviendra
un élément de luttes politiques avec deux tensions, celle qui oppose les hindous
aux musulmans et celle qui opposera les castes entre elles.
(suite PP2-6)
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